Les temps changent. Rappelez-vous bien : il y a un an, le prix du baril de pétrole était encore en dessous de la barre des 75$, tandis qu'aujourd'hui, il flirt avec la barre des 140$, soit une augmentation de près de 100% en un an. Les professionnels dont l'activité dépend de cette matière première portent le gouvernement coupable de stoïcisme, le français moyen se contente de râler après les taxes, mais rares sont ceux qui voient plus loin que le bout de leur nez. Oyez citoyens français et râleurs, aussi pléonasmique que cela puisse sembler, oyez habitants de cette Terre : n'oubliez pas de regarder ce qui se profile à l'horizon et qui ombrage votre avenir.

Pourtant, la fin de l'ère pétrolifère n'est pas si loin de l'extrémité de leur nez, à quelques centimètres tout au plus. Les citoyens comme les gouvernement préfèrent rester aveugles que de loucher sur cette problématique qui, bien qu'abordée depuis des années, n'a encore pas trouvé de solution. Au lieu de se reconvertir à long terme de manière à ne pas déstabiliser l'économie sur laquelle notre croissance est fondée, la politique de la docte-ignorance face conséquences imminentes de la flambée des hausse du pétrole et à plus forte raison encore de sa disparition définitive à long terme, couplée à l'inaction des dernières décennies nous ont emmenés dans une impasse.

D'un côté, on incrimine les taxes alors qu'il est juste qu'une énergie si polluante que celle issue de la combustion du pétrole, sous toutes ses formes plus ou moins raffinées, soit fortement taxée et qu'il serait encore plus insensé de réduire ces mêmes taxes, puisque ce faisant, nous pousserions à la consommation d'une matière première et fossile dont on sait qu'elle ne sera plus disponible en grandes quantités pour longtemps. Autrement dit, la détaxation pousserait à la consommation, ce qui impacterait grandement sur les quantités de pétrole encore disponible et induisant ainsi une hausse des prix, se répercutant d'ailleurs d'autant à la borne. Qui a prononcé le terme de "cercle vicieux" ?

D'un autre côté, on pratique la politique de l'autruche en refusant de voir l'imminence de la crise et en reportant à demain des mesures qui auraient pu être prises hier. Ces mesures sont pourtant nombreuses, de l'industrialisation de nouveaux carburants (l'huile de colza fait des tourner à merveille les tracteurs qui sillonnent ma campagne ardennaise) au remplacement de certains polymères constituant la plupart des matières plastiques que nous côtoyons chaque jour par des bio-polymères qui ont en plus l'avantage d'être biodégradables. Si nous avions pensé à cela auparavant, peut-être aurions nous encore des bouchons de taille décente sur nos bouteilles en plastique[1].

Pris à notre propre jeu, nous ne pouvons désormais plus reculer. Il reste à espérer que l'explosion de la bulle spéculative qui se forme autour du pétrole et de ses marchés, programmée par les analystes pour dans deux ou trois années, nous offre un sursis assez long pour développer une économie parallèle et indépendante du pétrole, et ce notamment grâce au réinvestissement des plus-values générées par la chute du prix du baril inhérente à l'explosion de cette bulle spéculative dans les énergies nouvelles. Du moins je l'espère de tout mon coeur car cet espoir est le dernier qu'il nous reste. Sans cela, je ne crains que le prix à payer pour une telle insolence de notre part que celle de n'avoir su écouter les spécialistes ne puisse trouver à ce jour sa place dans notre imaginaire. Le prix économique et humain sera très dur à payer et laissera des stigmates que le temps n'est pas prêt d'effacer.

Heureusement que je crois en l'homme et que se morfondre n'est que la pire et la plus inutile des options qui s'offrent à moi, sinon je crois que j'y aurais déjà cédé depuis bien longtemps. Mais les épreuves ne sont-elles pas là pour nous faire sortir de nos retranchements ?

Notes

[1] Je soupçonne fortement la hausse du prix du pétrole d'être à l'origine de ces économies de bout de chandelles, mais néanmoins nécessaire à la viabilité de ces industries, manifestées par la récente réduction par un facteur deux de la taille des bouchons obturant les bouteilles plastiques.