Rubrique nécrologique...
Réveil en sursaut. Je jette un bref coup d'oeil sur l'écran digital du réveil sur lequel les chiffres rouges sang affichent péniblement deux heures et huit minutes. Une nuit de plus écourtée par ce rêve, ou plutôt ce cauchemar. C'est toujours le même depuis deux mois, deux longs mois durant lesquels je n'ai pas passé une nuit entière et paisible. Je crois avoir trouvé ce qu'il y a de pire que l'insomnie : cette réaction jugée normale par cet abruti de psy qui me suit quasi quotidiennement depuis près de 60 jours et qu'il nomme "choc post-traumatique". Deux mots. Deux simples mots, ou du moins un simple et un composé qui lui donnent une raison qu'il juge suffisante pour me faire déplacer trois fois par semaine dans son bureau et ainsi empocher les cinquante cinq euros des trois-quarts d'heures de consultation totalement inutiles qu'il me fait passer. Encore un charognard qui mériterait qu'on lui plante un long couteau de boucher dans le dos pendant son sommeil.
Le pauvre... S'il avait vent des pensées que je viens de formuler, je serais bon pour une psychanalyse aussi complète que possible, d'une durée minimale de quelques décennies, avec camisole et cellule capitonnée à la clé, le tout à mes frais bien sûr. Malheureusement pour lui, je ne suis pas encore assez fou pour trahir mes propres tendances psychopathes devant un psy. Enfin, heureusement que le divan est confortable étant donné que le nombre d'heures que j'ai passé dessus ces derniers temps dépasse allègrement celles que j'ai pu passer confortablement allongé dans mon lit, les yeux fermés, le sommeil lourd et l'esprit vide de toute pensée.
Assis sur le rebord du lit, en nage, le regard porté vers la fenêtre où la lumière émanant de la lune dessine le contour du vieux chêne sexagénaire planté dans le jardin, j'avale une poignée de ces cachets prescrits par l'autre dingue. Antidépresseurs, somnifères, extazy, va savoir ce que c'est. Peu importe d'ailleurs. Je veux dormir. Je veux oublier. Oublier cette marre de sang, ce visage défiguré, ces dernières paroles; oublier cette peur qui s'installe en moi chaque fois que j'y repense et qui me donne la chair de poule chaque nuit, à chaque cauchemar que je fais. Malheureusement ce sera difficile d'oublier, ou du moins, ce sera long, je le sais.
Chaque fois que je repense à son regard, son sourire, sa bonne humeur perpétuelle, la colère s'empare de moi et surplombe la tristesse sous-jacente qui jamais n'effleure la surface. Les larmes ne me viennent plus. Le temps ne les ramènera pas plus qu'il n'atténue la rage qui est mienne. Une seule chose ne pourra jamais l'atténuer; l'unique calmant qui s'offre à moi n'est pas acceptable aux yeux de la justice. Faire justice soi-même n'est pas une option envisageable, il s'agit tout juste un rêve de gosse qui s'identifie à ses héros de dessins animés préférés une fois la nuit tombée et les étoiles étincelantes.
Rangée la batmobile à l'échelle 1/10ème, rangés les légos et autres playmobiles, rangés les déguisements pour mardi gras, ceci n'est plus un jeu. Je ne suis plus un enfant, et je sais exactement quels dégâts peut causer une balle de .357 Magnum tirée à 2 mètres de distance, directement logée dans l'estomac avec un angle d'incidence de 10,5°. A moins que vous ne préfériez connaître la durée de l'agonie causée par un coup de couteau à la lame d'une longueur de 21cm, perforant le poumon gauche avec l'exercice d'une pression constante de 200 Newtons par centimètre carré. Pour votre gouverne, sachez que la seconde mort, provoquée par l'étouffement du sujet est plus rapide de 37 secondes par rapport à la première. La manière la plus cruelle d'en finir avec un homme restant sans conteste le fait de le laisser se faire dévorer vivant par tout type d'animal aux canines acérées jusqu'à ce que l'hémorragie ait raison de lui.
Rassurez-vous, ces morts je les ai toutes expérimentées, mais pas par moi-même. Avant que l'idée de me faire interner, de me laisser une place de choix sur la chaise électrique ou encore de me loger une cartouche de 22 Long Rifle entre les deux yeux ne vous traverse l'esprit, laissez-moi m'expliquer. Lisez "docteur" sur l'étiquette qui orne ma belle blouse blanche, ou du moins qui était d'un blanc éclatant avant que mon dernier patient n'ai eu la fâcheuse idée de se vider de son sang après un malheureux coup de scalpel mal placé. Dommage que ce patient au teint si livide fut déjà décédé depuis trois heures lorsque ceci est arrivé, sinon ça lui aurait valu une belle mort.
Ho, ai-je oublié de vous parler de ma spécialité ? Depuis que je suis tombé nez à nez avec mon premier cadavre à l'âge de onze ans, je n'ai jamais réellement décroché. Mon job est de deviner ou plutôt d'élucider les causes de la mort de mes clients. On me surnomme très amicalement le croquemort, mais je préfère de loin mon étiquette de médecin légiste. Misanthrope antipathique à l'humour aussi noir que le regard, ma présence insupporte la plupart des personnes qui se situent à moins de cinq cent mètres de ma dépouille et ma passion pour les crimes est incomprise de tous. Quoi de plus beau cependant qu'un cadavre baignant dans une marre de sang, le tout accompagné d'une odeur putride qui met généralement à mal n'importe quel spectateur non averti, remplaçant ce qui lui sert d'estomac par un tambour de machine à laver.
Mais où avais-je donc la tête, j'en perds mes bonnes manières : Dr Hug Johnson, pour vous servir. Bienvenue dans mon insignifiante et sanglante petite existence...
Commentaires
Whouah...
Très jolie fiction ou, le cas échéant, très joli psychopathe.
@deline > Heureux de voir que tu visites encore ces lieux. ,-)
[SiMON] > Merci beaucoup !
My god :x
Tu fais peur ^^
Oua t tro puissan ga
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